Leur force a sauvé l'annonciade...

Il parti avec cette phrase en tête. Elle lui plaisait bien. Grandgousier et Lysiane, épaulés des autres sauraient surement faire bouger les choses, et lui, Samo, comptait bien y participer. Son inertie n'avait que trop durée, et il se bougeait maintenant. Il marcha, plus vivement qu'il n'avait arpenté les couloirs ces derniers mois, en direction du poste de garde. Les quelques gardes engagés par manque d'effectifs, qui le voyaient passé, crurent qu'il y avait un feu, ou bien qu'il fuyait un dragon qui arpentait les couloirs.

Il émergea à l'entrée du castel. Si changement il devait y avoir, commencer par l'entrée serait le mieux. L'écurie faisait presque pitié à voir, rongée par les pluies et l'hiver, l'entrée était inondée de divers liquides, débauche des dits garde, et la poussière était visible sur la poignée de la plupart des portes des remparts.

Il se dirigea vers un homme avachi sur la chaise qu'il s'était trainé là. Au bruit de pas du Grand-Maitre, il ouvrit les yeux, et au regard déterminé qu'il vit figé sur lui il se redressa et recula sur le mur, croyant qu'il allait se faire occire. Samo se planter devant lui.

Où as-tu pris cette chaise?

Le garde le regarda avec un regard ahuri et idiot. Puis, réalisant que la question était bien réelle, il balbutia.

Heu...Ben... dans la salle à manger, m'sire...

Alors retourne la mettre là, lorsqu'on surveille l'entrée on n'en a pas besoin. Tu ramènera quelques chiffons, un ou deux marteau et tes camarades. Nous allons donner un coup de neuf ici, histoire d'accueillir convenablement.

Deux gardes se trainaient lentement en direction de Samo. L'un était l'antipode de l'autre et vice-versa.

Le plus petit des deux était un homme trapu, musclé et basané comme pas deux. Une énorme barbe charbonneuse lui mangeait le tour du visage et retombait jusque sur son ventre bien dodu, grâce à la prise quotidienne de bière. Sa petite tête qui contrastait avec le reste du corps était surmonté d'un casque qui laissait dépasser de longues tresses noires qui lui retombaient jusque dans le dos. Lors des soirées de ronde à jouer au ramponneau, on ne lassait pas de blaguer sur ses origines, qu'on imaginait moitié vikings, moitié naines, de ces demi-hommes des légendes. Mais ce qui frappait surtout, c'était son visage et son gros nez, rouge cramoisi. Les hypothèses sur cette couleur de peau ne variaient pas beaucoup: C'était attribué à toute la bière ingurgitée au fil des années par ce vétéran buveur. Bref, c'était à ce visage particulier qu'on l'avait rebaptisé Rougeaud.

Son comparse était quant à lui très, très grand. Pourtant, il n'y avait que sa minceur pour égaler sa taille. C'était une asperge grandeur humaine, en excluant la couleur. Sa peau tendue sur ses os saillants aux extrémités était blanche comme la neige. Sur son visage juvénile, seuls quelques poils poussaient timidement sur son menton, blonds comme sa tignasse qui surplombait l'ensemble. Sur celle-ci était planté un heaume singulier, un peu cabossé, qu'il affirmait venir de l'antique Rome de par ces ancêtres. C'est pour ce casque, héritage précieux et pour sa carrure singulière qu'un garde plus érudit que les autres l'avait un jour appelé par le nom d'Asparagus. Ce nom lui était resté.

La paire hétéroclite emportait avec elle une ribambelle d'outils et de matériel de nettoyage. Et c'est cliquetant de leur chargement qu'ils s'arrêtèrent devant le Grand Maître. Rougeaud, de sa voix basse et rocailleuse:

- L'aut' nous a dit que vous nous avions fait mandé? Qu'est-ce que nous pouvions faire pour vous Grand Maître?

Et Asparagus d'ajouter de sa voix claire et légèrement haut-perchée:

Le reste de la garde s'en revient, cela dit.

Samo, qui se tenait à l'entrée, observant l'état de la grille, qui commençait à être gagnée par la rouille, se retourna vers les deux gardes. Le Grand-Maistre avait retirer sa cape, son armure et tout ce qui pourrait l'entraver ou se salir dans une tâche de travaux, et les avait fait remonter à ses locaux. Il avait décider de mettre lui aussi la main à la pâte. Il connaissait les sobriquets des deux hommes qui s'approchaient devant lui, mais avait oublié leur véritable appellation, aussi les appelait-il lui même, Rougeaud et Asparagus. Lorsqu'il furent prêt et se déclarèrent disponibles, il fit un grand geste de la main en direction de la cour en déclarant.

Voyez, il y a disons un peu de renouveau à faire ici. L'entretien n'a été que trop longtemps délaissé. Le chevalier Grandgousier va bientôt partir accompagner de plusieurs écuyers, ainsi nous aurons bel et bien besoin de l'aide du reste de la garde.

Il regarda les deux hommes, considérant le fait qu'il y avait beaucoup à faire, et cherchant par où commencer. Il regarda à nouveau autour de lui et pointa du doigt l'écurie.

J'irais chercher les palefrenier pour qu'il s'occupent des destriers, car nous aurons à retaper quelques planches. Nous allons commencer par cela. Déjà, j'ai envoyé deux valets chercher des planches de bois au village voisin, espérons juste qu'ils ne lambinent pas en chemin.

Il posa à nouveau son regard sur les deux gardes.

Posez tout ce barda que vous tenez là dans un coin, et assurez vous que tout un chacun aura des outils pour faire quelque chose. Je vais m'occuper de distribuer les tâches.

Il jeta un œil vers le hall, d'où déjà quelque homme de garde sortaient, réalisant qu'il se passait réellement quelque chose.

Alors que les deux comparses se demandaient si le Grand Maître allait commencer à rouiller comme la grille qu'il observait avec attention, celui se retourna, visiblement la cervelle en ébullition. La tâche se révélait ardue aux mots de Samo, mais les deux hommes étaient bien content de délaisser le ramponneau pour quelques temps; tous deux n'étaient ni de fins joueurs, ni dans les faveurs de la chance à ce jeu. Ils connaissaient le fond de leur poche mieux que tout, pour y avoir chercher souvent leurs quelques derniers deniers. Peu importe le travail, en autant que tous deux puissent tergiverser sur tout et sur rien, sur le sort du monde ou sur le précédent repas du matin.

La distribuaille d'outillage, hein? Pas d'soucis, on s't'en occupe!
T'as compris Asp'?

Les deux hommes déposèrent leur fatras avec bruit, le jeune blond ajoutant:

- Bien sûr que j'ai compris Rougeaud! Ceux qui devraient comprendre une chose, c'est bien les palefreniers! Ils ne sont même pas dans leur écurie!

T'avions bien raison mon vieux! M'est avis qu' z'étions certain'ment en train de séduire quelque jolie brin d'femme, c'tes jeunôts!

[i]Rapidement, chacun se mit à une tâche de nettoyage. Pour l'un, récupérer les déchets dans le milieu de la cour et en disposer; pour l'autre, astiquer diverse surfaces; et pour encore un autre, faire reluire la grille de l'entrée. Le travail allait bien, dans la bonne humeur malgré les bougonnements de certains qui s'étaient enlisés et habitués à être oisifs. Le Grand-Maistre sortait régulièrement par les portes, afin de guetter le chemin. Il y voyait loin, à dizaine de lieues, mais ne voyait pourtant pas les points mouvants annonçant le retour des valets envoyés récupérer le bois si nécessaire à la réparation de l'écurie. Leur lenteur était étonnante, probable qu'ils avaient profiter du chemin pour roupiller un tantinet, ou bien aller offrir des fleurs aux jolies paysannes qui flânaient aux abords des chemins.

Alors qu'il tournait à nouveau les talons pour retourner dans la cour, les cloches de la chapelle résonnèrent. Les gardes se regardaient, cherchant qui d'eux avait décidé de jouer le clerc, ne croyant pas à la venue d'un nouveau homme d'Église entre les murs du castel si soudainement. Samo se dirigea vers la chapelle, se remémorant pour sa part la missive d'invitation de Master. Il allait assister à la messe et reviendrai ensuite travailler. Il fit explication aux hommes qu'ils pouvaient s'ils le désiraient venir assister à la messe, puis il disparu dans les dédales des couloirs.

La nuit était commençait deja à tomber quand le sénéchal passa les portes du chateau saluant d'un geste le garde à l'entrée. Il descendit de sa monture et la dirigea personnelement jusqu'a l'écurie quand il se prit les pieds dans un tas d'outils, marteaux et ciseaux à bois posés au sol :Mortecouilles, qu'est ce donc que tout ce foutoir ?
Il enjamba un tas de planches et continua d'avancer vers le batiment en bois cherchant du regard qui pourrait avoir laisser trainer tout cette quincaillerie.

Voilà quelques jours qui s'étaient écoulés depuis le début des travaux. Ceux-ci, destinés à redonner une part de jeunesse au chastel de l'Annonciade, et de même entrain à l'Ordre lui-même, se déroulaient bien, quoique le manque de bois nécessaire au renouveau de l'écurie se faisait sentir.

Toutefois, il y avait encore et toujours du travail à faire en attendant, et ce, au dépit des gardes piètrement exaspérés. Au travers ces joueurs de ramponneau aguerris, ces flâneurs d'expertise et ces flancs-mous de premier ordre (Mais attention, le boulot les retournait lentement à l'état solide), se trouvait encore et toujours une paire aussi dépareillée qu'indissociable.

Ça m'rappellions quand j'étions petiot lorsqu' j'aidions mes cousins quand c'étions l'temps d'la travaillasse dans les pôtara, putârages...

Et de répondre à cette voix rocailleuse, incongrue et aléatoire:

Pâturages Rougeaud! Pour ma part, c'est le grand air qui me remémore des souvenirs. Ce n'est point du tout l'air que nous respirons lorsque nous sommes à l'intérieur des murs. Je me souviens de l'air des montagnes. Dans ma tendre enfance, j'adorais grimper toujours plus haut, et me sentir aussi fort et grand que le Très-Haut. Ah, quel petit bambin rêveur que je faisais!

J'croyons ben qu't'étions d'jà grand à c't'époque Aspar'gus! Ptêt pas t'autant que ç-ui d'en Haut, mais tout d.... Oh! Ma foysse, si mon oeilure ne m'trompe pas, s't'eux qui arrivassent avec la billot'rie!

La tendance à boire de Rougeaud n'affectait que très peu sa vue cette journée-là. En effet, au bout du chemin, les valets s'en venaient enfin. Un grand belleysan torse nu, dénommé Master, qui aidait aux travaux avec l'enthousiasme de celui qui aime l'activité physique, alla alerter le Grand Maître qui supervisait non loin de là. L'écuyer pointa le chemin comme toute indication, le geste étant suffisant.

Les choses avaient évoluées chacune à leurs façon, mais le bois lui manquait toujours. Samo venait d'accueillir quelque villageois des alentours, qui, ayant ouïe dire que des travaux débutaient, avaient voulu apporter quelque aide. Le grand-maistre leur avait expliqué le gros des travaux et ce qu'il y avait à faire, puis les avait conduits dans la cour pour appuyer visuellement ce qu'il entendait pour chaque corvée. Les hommes de la garde semblaient déjà, après ces quelques jours, moins récalcitrant et le travail avançait plus vite d'un jour à l'autre.

Alors qu'il venait de descendre des remparts, où il avait noté de son emplacement que la lice méritait un bon coup de neuf puisqu'elle était assaillie par les herbes longues, Master vint à sa rencontre, lui désignant simplement le chemin et expliquant que les valet pointaient avec les planches de bois. Samo le remercia et se dirigea vers la herse, où il attendit les jeunes hommes qui revenaient. Lorsqu'il arrivèrent, il déposèrent les planches près de l'écurie, là où l'avait demandé le Grand-Maistre, et filèrent rapidement, trop heureux de voir que le Chevalier oubliait de les réprimander pour leur flâneries, comme il était tout à son bonheur de voir que les travaux sur l'écurie pourraient commencer.

Samo s'installa en face de l'écurie, observant les bords, le toit, l'intérieur et toutes les façades du bâtiment afin de voir là où il faudrait commencer. Il se décréta à lui-même qu'il faudrait probablement commencer par le toit, et finir par les murs, comme les poutres intérieures semblaient toujours en bon état. Un des deux valets qui avaient apportés le bois, un dénommé François, passa devant lui. Samo l'attrapa par l'épaule et l'arrêta.

Hé, arrête toi j'ai à te parler! J'aurais...

Les yeux écarquillés le jeune François le coupa

Messire Chevalier je puis expliqué... vous voyez il s'agissait d'une...

Quoi? Plus tard... Plus tard... Le coupa Samo avec un geste de la main J'ai besoin d'une échelle vois-tu, pour aller rafistolé le toit. Tu va m'en chercher une, et dépêche toi! Ramène la céans et averti moi lorsque tu l'aura...

Le garçon ne bougea pas immédiatement, et il fallu que le Chevalier tourne le regarde vers lui pour qu'il déguerpisse.

Oh hisse, hi han, travaillant et patatrant, ça bougeait dans le chastel de l'Ordre du Lac d'Amour. La tâche était inépuisable, on s'échinait toujours à refaire des lieux de l'Annonciade l'image de leur gloire passée.

J'le r'péterai jamais tant, ch'tais là quand c'te place étions un d'ces endroits qu'on n'veut point manquer! J'me souvenions d'tous ces chevaliers qui passaient par icelieu! C'tait d'grands hommes, pas d'p'tits nobliaux, juste d'la bonne racaille, plein d'bonnes intentions, disant d'belles paroles que j'avions même parfois d'la misère avec la comprenure. Quelle prestance z'avions ces gaillards!

Si cela se trouve mon cher Rougeaud, peut-être que cet Ordre est en voie de fleurir à nouveau! Espérons que l'avenir sera prometteur et glorieux! Et dans l'attente, suons et travaillons pour apporter notre contribution à ce futur!

C'étions de bien jolies choses que tu disions là! J'en avions une poussière dans l'oeil mon vieux Asp'.

Et le vétéran garde tenta de retirer ladite poussière avec une de ses grosses mains, son comparse redoublant le rythme de travail, inspiré par ses propres paroles.